L'histoire de James Tilly Matthews et de sa croyance en la machine « Air Loom » est fascinante, car elle constitue l'un des premiers cas documentés de délire paranoïaque où la technologie joue un rôle central, bien avant l'avènement des dispositifs modernes. Et si c'était le premier cas d'un harcèlement réel par la technologie et interné injustement par la médecine.
Contexte et internement
James Tilly Matthews est né à Londres en 1770. Il était un marchand de thé, mais il s'intéressait également à la politique etLa machine « Air Loom » voyageait souvent en France pendant la Révolution française. Il était convaincu qu'il jouait un rôle important dans des négociations secrètes entre la Grande-Bretagne et la France révolutionnaire pour empêcher la guerre entre les deux pays. Cependant, il devint rapidement obsédé par l'idée que des forces mystérieuses agissaient contre lui, et il accusa certains politiciens britanniques d'avoir saboté ces négociations.
En 1797, après avoir causé des perturbations au Parlement britannique en criant des accusations contre des politiciens, il fut arrêté et interné à l'hôpital psychiatrique de Bethlem, connu sous le nom de Bedlam, l'une des institutions les plus célèbres de l’époque.
L’Air Loom : une machine de persécution
Matthews croyait fermement qu’il était persécuté par un groupe secret utilisant une machine qu’il appelait « Air Loom ». Cette machine, selon ses écrits et descriptions, était un dispositif complexe composé de roues, de leviers, de bobines, de réservoirs de liquides, et de miroirs qui reflétaient le soleil ou des énergies invisibles. Elle était contrôlée par un groupe de conspirateurs qu'il appelait les "Gang" et qu'il accusait de diriger la machine pour manipuler son esprit et son corps.
Les membres de ce groupe avaient des noms bizarres comme « Le chef Pinhead », « The Middleman », ou encore « Sir Archy ». Matthews croyait que cette bande utilisait l'Air Loom pour projeter des gaz nocifs et des "effluves" vers lui à distance, en jouant sur l'électricité et le magnétisme. Il pensait que cette machine était capable de :
- Contrôler ses pensées : Il croyait que l'Air Loom était capable de manipuler son esprit et de contrôler ses actions.
- Induire des maladies : Il accusait cette machine de provoquer des sensations physiques comme des douleurs, des tremblements et des malaises.
- Télépathie : Matthews pensait que la machine permettait à ses persécuteurs de lire ses pensées et de les manipuler.
La nature des persécutions
Matthews croyait qu'il était ciblé pour des raisons politiques, en lien avec son implication dans les négociations de paix avec la France. Il était convaincu que ses ennemis, probablement des agents du gouvernement britannique, voulaient l'empêcher de révéler la vérité sur leurs complots. Il voyait l'Air Loom comme un instrument de torture mentale et physique, contrôlé à distance par ces conspirateurs.
Il pensait également que l'Air Loom n'était pas seulement dirigé contre lui, mais qu'il s'agissait d'une arme utilisée contre d'autres personnalités politiques et influentes pour les manipuler ou les faire taire. Cette croyance reflète un état de paranoïa aiguë, où les délires d'influence, de persécution, et de contrôle technologique sont prédominants.
Reconnaissance dans l’histoire de la psychiatrie
Le cas de Matthews a été documenté en détail par le docteur John Haslam, un médecin de Bedlam qui a publié "Illustrations of Madness" en 1810, un livre qui décrit les croyances délirantes de Matthews avec précision. Haslam fut l'un des premiers à reconnaître ces symptômes comme un cas de paranoïa systématisée, où une personne développe une théorie délirante complexe et cohérente.
Le cas de Matthews est souvent cité comme un exemple classique de délire de persécution, mais ce qui le rend unique est la présence de cette machine technologique complexe, l’Air Loom, qui semble être en avance sur son temps. Aujourd'hui, des cas similaires de croyances délirantes impliquant des machines, des ondes ou des dispositifs de contrôle à distance sont souvent associés aux troubles de santé mentale, tels que la schizophrénie paranoïde ou les délires technologiques.
Conclusion
James Tilly Matthews est un personnage marquant dans l’histoire de la psychiatrie, car il a montré comment une personne peut raconter un scénario délirant extrêmement détaillé, impliquant des technologies non répertoriées, pour expliquer ses sensations de persécution. Son histoire préfigure les thèmes modernes des délires ou réalités de surveillance, de harcèlement technologique, avec des éléments presque prophétiques dans sa description de la « machine ».
C'est aussi un rappel que même avant l'invention des véritables technologies électromagnétiques, des personnes pouvaient développer des peurs liées à des forces invisibles.
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