Cet addendum à l'étude Nonlethal Technologies Worldwide (NGIC-I 147-101-98) résume les réponses à certaines des questions les plus fréquentes sur les technologies d'armes non-létales, les réponses physiologiques observées en milieu clinique concernant le couplage biophysique, et la susceptibilité des individus aux effets des armes non-létales. Ces résultats identifient et valident certains aspects des technologies non-létales en cours de maturation, susceptibles d’être rencontrées ou utilisées comme effecteurs non-létaux à l'avenir, notamment :
- Les lasers et autres phénomènes lumineux.
- Les énergies dirigées par radiofréquence.
- Les effets biologiques liés au son.
L'étude des champs électromagnétiques et de leur influence sur les systèmes biologiques progresse rapidement. Une grande partie de ces travaux est motivée par des préoccupations de santé. Par exemple, l'exposition des opérateurs aux champs électromagnétiques générés par des appareils tels que les dispositifs de diathermie à ondes courtes, les fours à micro-ondes puissants, les systèmes radar, les unités d'IRM, etc., suscite de plus en plus d'inquiétudes. En outre, des préoccupations croissantes concernent les champs électriques et magnétiques de très basse fréquence (60 Hz) émanant des lignes à haute tension, des équipements industriels et des appareils résidentiels.
Effet incapacitant : "ouïe micro-ondes"
L’ouïe micro-ondes est un phénomène où des sensations sonores (bourdonnements, cliquetis, sifflements, ou coups) semblent provenir de l’intérieur ou juste derrière la tête. Aucun son ne se propage dans l'air comme pour les sons normaux. À l’état brut, cette technologie pourrait distraire des individus. Si elle est perfectionnée, elle pourrait être utilisée pour communiquer directement avec des otages ou des preneurs d'otages, par code Morse ou d’autres systèmes de messages, voire par communication vocale.
Cible biologique / Fonctions normales / État pathologique
Ce phénomène, décrit pour la première fois il y a plus de 30 ans, varie selon les caractéristiques des impulsions radiofréquences. Les expériences sur des humains et des animaux de laboratoire suggèrent que l’expansion thermoélastique du cerveau en réponse aux impulsions RF génère une onde de pression, perçue et traitée par le système cochléaire. Cela constitue le mécanisme d’audition des impulsions RF.
Une étude menée en 1975 sur des volontaires humains a établi le seuil d'énergie pour la réponse auditive micro-ondes à 2450 MHz. Elle a révélé qu'une densité énergétique incidente d'environ 40 J/cm² par impulsion était nécessaire. Les scientifiques ont également déterminé que la température cérébrale augmentait de 5 x 10⁻⁶ °C pour une impulsion juste perceptible.
Mécanisme pour produire les effets souhaités
Des études ont démontré que l'expansion thermoélastique était le mécanisme responsable de l’audition des impulsions RF. Les ondes de pression générées sont plusieurs ordres de grandeur plus importantes que celles résultant de la pression de radiation ou des forces électrostrictives. Les mesures dans des matériaux simulant les tissus biologiques et les calculs théoriques confirment ce mécanisme.
Les scientifiques ont établi que, pour des champs pulsés à 2450 MHz (impulsions de 0,5 à 32 µs), le seuil par impulsion pour un sujet humain normal était d’environ 20 mJ/kg. Ce seuil est compatible avec l'idée que des messages complexes pourraient être transmis directement au cerveau via cette technologie.
Temps d'apparition
La nature physique de l'expansion thermoélastique dicte que les sons sont perçus dès que les impulsions individuelles sont absorbées. L'effet est donc immédiat (en quelques millisecondes). Des humains ont été exposés à des énergies RF entraînant la production de sons.
Durée de l'effet
L'ouïe micro-ondes ne dure que tant que l'exposition persiste. Il n'y a aucun effet résiduel après l'arrêt de l'énergie RF.
Ajustabilité
Le phénomène est ajustable dans la mesure où les caractéristiques et les intensités des sons dépendent des caractéristiques de l'énergie RF délivrée. Comme la fréquence du son entendu dépend des caractéristiques de l'impulsion RF, il semble possible de développer cette technologie pour transmettre des mots qui seraient entendus comme des paroles, mais uniquement dans la tête de la personne ciblée. Lors d'une expérience, une communication des mots de 1 à 10 utilisant une énergie micro-ondes modulée par la parole a été démontrée avec succès. Les microphones placés à côté de la personne expérimentant ces voix n'ont pas capté le son. Un développement supplémentaire pourrait ouvrir un large éventail de possibilités.
Répartition des sensibilités humaines aux effets souhaités
Le phénomène agit directement sur les processus cochléaires. Les ondes de pression thermoélastiques produisent des sons de fréquences variables. De nombreux tests ont révélé des sons dans la gamme de 5 kHz ou plus. Étant donné que les humains peuvent subir des pertes auditives dues à des dommages cochléaires, certaines personnes pourraient entendre des sons RF induits que d'autres, avec une perte auditive des hautes fréquences, ne percevraient pas. La destruction bilatérale de la cochlée a démontré l'élimination de tous les stimuli auditifs induits par RF.
Récupération/Sécurité
Les humains sont exposés à ce phénomène depuis de nombreuses années. Le dépôt d'énergie nécessaire pour produire cet effet est si faible qu'il n'est pas considéré comme dangereux lorsqu'il est utilisé pour des expérimentations à des niveaux juste perceptibles.
Influence possible sur les sujets
L'application de la technologie d'ouïe micro-ondes pourrait faciliter la transmission de messages privés. Elle pourrait également induire une condition perturbatrice chez une personne non informée de cette technologie. Cela pourrait être psychologiquement dévastateur si une personne entend soudainement des "voix dans sa tête".
État technologique des générateurs et dispositifs de visée
Cette technologie ne nécessite aucune extrapolation pour estimer son utilité. L'énergie micro-ondes peut être appliquée à distance, et la technologie appropriée peut être adaptée à partir d'unités radar existantes. Les dispositifs de visée sont également disponibles, bien que des circonstances particulières nécessitant une spécificité extrême puissent demander des développements supplémentaires. Une spécificité directionnelle extrême serait nécessaire pour transmettre un message à un otage entouré de ses ravisseurs. Actuellement, des signaux peuvent être transmis sur de longues distances (centaines de mètres) avec la technologie existante. Les portées plus longues ou des types de signaux plus sophistiqués nécessiteraient des équipements plus volumineux, mais il semble possible de transmettre certains types de signaux à courte distance avec un équipement portable par une personne.
Effet incapacitant : Perturbation du contrôle neuronal
La nature de l'incapacitation réside dans une synchronisation rythmique de l'activité cérébrale des neurones qui perturbe le contrôle normal des voies corticospinales et corticobulbaires. Cela entraîne une perturbation des neurones moteurs spinaux, responsables du contrôle musculaire et des mouvements corporels. Une personne affectée par cette condition perd le contrôle volontaire de son corps. Cette synchronisation peut être accompagnée d'une perte soudaine de conscience et de spasmes musculaires intenses.
Cible biologique / Fonction normale / État pathologique
Le cerveau contrôle normalement toutes les formes de comportement, le contrôle volontaire du corps et les paramètres homéostatiques de l'organisme. En conditions normales, les structures cérébrales, populations neuronales, réseaux et unités individuelles fonctionnent avec une activité rythmique spécifique en fonction des informations sensorielles, des souvenirs et des signaux des organes viscéraux. Cette synchronisation neuronale est un mécanisme naturel utilisé pour organiser le comportement (motivation, attention, mémoire, etc.).
Dans des conditions normales, le degré de synchronisation neuronale est hautement contrôlé. Cependant, sous certaines conditions (stress physique, choc thermique, stress émotionnel intense), le niveau de synchronisation peut augmenter, impliquant de larges populations de neurones et devenant incontrôlable. Selon la fréquence de synchronisation et le nombre de neurones impliqués, différents effets physiques peuvent apparaître : faiblesse musculaire, contractions involontaires, perte de conscience ou spasmes musculaires intenses.
Canaux semi-circulaires latéraux et perception vestibulaire
Les deux canaux semi-circulaires latéraux, situés dans chaque oreille interne, alertent une personne lorsque sa tête verticale subit une accélération angulaire. À l'intérieur de l'ampoule du canal, plusieurs cellules ciliées sont présentes. Les cils de ces cellules se prolongent dans la lumière de l'ampoule, où ils sont entourés d'une masse de matériau gélatineux appelée cupule, attachée à la paroi opposée du canal. Lorsque la tête accélère, les cils sont pliés sous l'effet de la force inertielle exercée par la cupule et le liquide visqueux dans la lumière du canal. Cette flexion excite les cellules ciliées, qui à leur tour excitent les neurones afférents. Ceux-ci avertissent ensuite le cerveau qu'un changement de position de la tête s'est produit. Des événements similaires se produisent lorsque la tête s'arrête de bouger. Un stimulus fort des cellules ciliées vers le cerveau entraîne un mouvement oculaire rapide appelé nystagmus, une sensation de vertige et de désorientation, ainsi qu'une possibilité de nausées et de vomissements.
L'audition normale se situe entre les fréquences de 20 000 et 16 000 Hz, avec une sensibilité optimale entre 500 et 6 000 Hz pour la plupart des personnes.
Mécanisme pour produire les effets souhaités
Comme les organes responsables de la perception acoustique et vestibulaire sont étroitement liés, une stimulation acoustique intense peut entraîner des effets vestibulaires. L’hypothèse est que les sons d’intensité normale produisent des oscillations de l’endolymphe et de la périlymphe, compensées par des oscillations de la fenêtre ronde. Les sons de forte intensité génèrent des courants tourbillonnants, entraînant des déplacements rotatifs localisés des fluides. Une intensité sonore élevée peut également provoquer un déplacement non linéaire de l'étrier, créant un vide dans le labyrinthe. Pour combler ce vide, le fluide peut être déplacé le long du canal endolymphatique ou bloquer les voies capillaires, stimulant ainsi les récepteurs vestibulaires. Ces récepteurs peuvent provoquer des nausées et des vomissements si le niveau de pression acoustique est suffisamment élevé.
Résultats des études
Une étude a observé un nystagmus chez des cobayes exposés à des niveaux élevés d’infrasons via la stimulation des récepteurs vestibulaires. Cependant, la même étude n’a pas pu reproduire ce phénomène chez des humains exposés à des tons purs de 135 dB pendant 5 ou 10 secondes, ou à un bruit large bande d’un moteur à 120 dB. Les effets vestibulaires les plus prononcés ont été observés avec des fréquences audibles élevées, généralement au-delà de 145 dB, provoquant une gamme d’effets : inconfort, sensation de pression, nausées, vomissements, vertiges, vision floue et distorsions du champ visuel.
Effets des infrasons et bruits de haute intensité
Depuis les débuts des tests de moteurs à réaction, des preuves anecdotiques ont établi un lien entre l’exposition à des bruits intenses et des symptômes tels que des vertiges, nausées et vomissements. Par exemple, l'exposition à un bruit de sirène à 140 dB provoquait une sensation de poussée latérale et une difficulté à maintenir l'équilibre.
Temps d’apparition
Aucun temps précis d'apparition pour les nausées ou le nystagmus n’a été identifié, mais les effets sur le système vestibulaire surviennent généralement pendant l'exposition aux niveaux sonores élevés, soit de manière immédiate.
Durée de l’effet
L'incapacité ne dure que tant que le son incapacitant est présent.
Ajustabilité
Les données ne permettent pas de conclure si le degré de nausée ou de nystagmus est ajustable, bien que des symptômes similaires causés par d'autres stimuli varient en intensité.
Répartition des sensibilités humaines
Il est probable que toutes les personnes, sauf celles ayant une maladie ou un défaut vestibulaire (ex. : surdité), soient sensibles à ce stimulus.
Récupération/Sécurité
Les sujets normaux récupèrent immédiatement après l'exposition et ne subissent généralement pas de perte auditive mesurable, sauf si les seuils bien établis de fréquence, intensité et durée sont dépassés. Les normes de sécurité professionnelle recommandent d'éviter les niveaux supérieurs à 115 dB(A) et estiment que 70 dB(A) est sûr.
Influence possible sur les sujets
L'induction du nystagmus et des nausées peut suffire à neutraliser un individu, offrant un avantage offensif. Cependant, il serait difficile de cibler une seule personne avec la technologie actuelle de direction sonore, cette technologie étant mieux adaptée pour des groupes.
Portée
En général, le niveau sonore diminue de 6 dB(A) lorsque la distance double.
Effets biologiques induits par laser
Les mécanismes de dommage liés à l’exposition au rayonnement laser sont chimiques, thermiques et mécaniques/acoustiques.
- Dommages photochimiques : Ces effets, associés à des radiations laser dans la lumière bleue (.380 à .550 microns), diminuent avec l’augmentation de la longueur d’onde.
- Dommages thermiques : Primaires pour les lasers à ondes continues (CW) et pulsés (0,1 ms à 5 s), ces effets dépendent de la durée d'exposition, de l'énergie, et des propriétés d'absorption des tissus.
- Dommages mécaniques/acoustiques : Une expansion thermique rapide génère une onde de pression, provoquant des blessures tissulaires explosives.
Applications et limites des lasers
Les lasers peuvent causer des brûlures thermiques superficielles ou profondes. Les blessures oculaires, dues à l’amplification de la lumière sur la rétine, peuvent entraîner une perte de vision temporaire ou permanente. Les longueurs d’onde UV (<0,4 microns) et infrarouges lointaines (3-12 microns) sont particulièrement préoccupantes pour les effets antipersonnels.
Armes laser aveuglantes non létales
Les armes laser aveuglantes non létales utilisent généralement des faisceaux collimatés avec une très faible divergence, ce qui permet à l'énergie contenue dans le faisceau de diminuer relativement lentement sur de longues distances. Les systèmes d'imagerie, tels que les yeux et les systèmes de vision électro-optique (EO), possèdent des optiques de mise au point qui concentrent les ondes planes de lumière incidente sur le plan du capteur. Cela entraîne un gain optique élevé (supérieur à 100 000 pour les yeux), rendant ces capteurs intolérants à des fluences relativement faibles d'énergie laser.
Effets des lasers sur les yeux
Les effets des lasers sur les yeux se répartissent en trois catégories :
- Éblouissement ou éblouissement induit : Perturbation temporaire de la vision causée par la lumière vive.
- Cécité flash ou perte d'adaptation à l'obscurité : Saturation temporaire des récepteurs visuels.
- Cécité permanente ou semi-permanente : Perte durable ou définitive de l'acuité visuelle.
La gravité des blessures oculaires causées par un laser varie selon plusieurs facteurs : la puissance incidente, la taille du spot, l'angle du faisceau, le diamètre de la pupille (influencé par la lumière ambiante), le mode temporel (continu ou pulsé), et la fréquence de répétition des impulsions (PRF) du laser. Les effets signalés incluent des brûlures cornéennes, des cataractes (opacification permanente du cristallin), et des brûlures ou perforations rétiniennes. Les lasers de faible énergie peuvent causer ces derniers types de blessures.
Effets temporaires
L'exposition à des énergies laser relativement faibles peut provoquer des altérations temporaires de la vision sans causer de blessures permanentes :
- Éblouissement (glare) : Similaire à la perte temporaire de vision causée par les phares d'une voiture arrivant en sens inverse. Cet effet dure uniquement tant que la lumière est présente dans le champ de vision.
- Cécité flash (flashblindness) : Une saturation des cellules photoréceptrices, entraînant des images rémanentes qui s'estompent après un certain temps.
Seules les radiations visibles peuvent induire ces effets d'éblouissement ou d'images rémanentes, tandis que les radiations infrarouges proches (near-IR) n'ont pas cet effet, bien que l'énergie atteigne les cellules photoréceptrices. Ces phénomènes, bien que non permanents, peuvent causer un inconfort significatif et une perte temporaire de vision. Certaines études montrent que ces effets peuvent gravement perturber les performances dans des tâches visuelles critiques, comme piloter un avion ou viser une cible.
Cécité permanente ou semi-permanente
La cécité est la perte permanente ou semi-permanente de l'acuité visuelle. Elle peut durer de plusieurs heures à plus longtemps et se manifeste généralement par une tache sombre dans le champ de vision, appelée scotome. L'impact du scotome sur la vision dépend de sa taille et de sa position. Les lésions sur la région centrale de la rétine, appelée fovéa, ont un impact significatif sur la vision humaine. En revanche, les dommages non focaux peuvent être moins graves ou même passer inaperçus s'ils n'affectent que la vision périphérique.
Les blessures rétiniennes les plus graves se produisent lorsque la lumière incidente est si intense qu'elle provoque une perforation de la rétine, entraînant une hémorragie dans la couche sous-rétinienne ou, dans les cas les plus sévères, dans l'humeur vitreuse de l'œil. Des expositions moins sévères peuvent provoquer des lésions sur la rétine.